Le brouillard est tenace. Il bouche l'horizon et trouble les boussoles. Les escales s'annulent, les unes après les autres. Sur le pont, toujours glacial, on est forcé à la patience. Alors on se réchauffe les uns, les autres en pensant aux autres bâtiments, perdus eux aussi sur les mers.
On aimerait chanter à la brume ces mots de Barbara : "Dis, au moins le sais-tu, que tout le temps qui passe ne se rattrape guère ? Que tout le temps perdu ne se rattrape plus ?".
On se raconte des histoires, la nuit : des récits de marins prononcés au rythme de la houle. Par une lanterne magique, par des bouteilles à la mer, par des mots confiés aux vents, nous tentons encore de vous les offrir.
On pense à l'orchestre du Titanic. On se souvient de ces gens qui ont joué pendant le naufrage. Ils voulaient apaiser, juste un peu, les passagers effrayés. Ils se sont noyés pour offrir une once de beauté au milieu du désespoir. Bien sûr, nous ne voulons pas nous comparer à eux. Nous nous souvenons simplement de leurs notes comme autant d'exemples.
L'espoir est une chose fragile. C'est la flamme d'une bougie dans un soir de tempête. Nous nous relayons pour la protéger, en attendant la lumière d'un phare.