Deux mois en un. La mer était semblable, de toute façon. Pourquoi prendre la plume ? Pour raconter les détresses, les SOS ? Pour parler de cette lassitude, de nos yeux mouillés comme le pont après une tempête ? Les matins sont un fil du rasoir plutôt qu’un fil des jours. Fallait-il rajouter au marasme ambiant une énième complainte de naufragé ? Nous avons pris le parti d’attendre. La question restait lancinante : à quand les phares ?
Malgré tout, nous avons envoyé des bouteilles à la mer, vers des yeux amis. Leur chaleur nous a fait du bien. Elle a cassé la solitude de la traversée. Nous ne naviguons pas en père peinard sur la grande mare des canards, mais c’est quand même les copains d’abord.
On nous dit : « tenez bon, la fin de l’ouragan approche ». C’est peut-être vrai. Avec ces jours nouveaux viendra un baume au cœur en forme de partages et de joies retrouvées. Nous l’attendons tous.
Pour autant, la folie ne s’arrêtera pas là. Les rades seront envahies. Un formidable embouteillage marin arrive. La bataille pour s’amarrer au moindre quai a déjà commencé. À la traversée solitaire succédera l’angoisse du nombre. C’est une autre forme de noyade potentielle.
Les voyages sont l’occasion de penser et de se repenser. En mer, on a le temps de se creuser la tête. On se rend d’autant plus compte de l’absurdité du cap qu’on nous propose. Faut-il repartir dans une nouvelle course maritime ? A-t-on vraiment envie de recommencer cette compétition effrénée et violente ? A-t-on vraiment envie de rejouer selon les mêmes règles iniques ? Ou faut-il chercher le pas de côté, l’île cachée, l’autre manière de naviguer, faut-il sortir des ports pour aller dans les terres ? On y songe, évidemment.