En Mains Propres
"Un évier dans des toilettes publiques. Des chaussures mal alignées. Une poubelle à cartons. Certaines minutes. Dans tout ce banal se jouent des tragi-comédies. C’est l’histoire d’un homme qui a des TOCs. C’est le récit d’une vie empêchée, d’un corps prisonnier. Mais c’est aussi le recul pour mieux en rire. Vraie-fausse conférence qui s’arrête parfois le temps de quelques gestes et où s’invitent une galerie de personnages, « En Mains Propres » invite à une plongée dans ce trouble."
Visuels : Camille Gaume.
Photos : Julien Bougot.
Note d'intention :
Atteint de troubles obsessionnels compulsifs depuis mon adolescence, c’est évidemment ma propre histoire qui m’a mené à ce spectacle. Ne disposant pas d’une expertise suffisante et conscient qu’une œuvre artistique n’est pas un exposé, il me fallait nécessairement passer par mon propre témoignage pour parler des TOCs en général. Deux écueils se présentaient donc, le voyeurisme et l’académisme. J’ai taché de les éviter pour construire un discours véritablement artistique sur le sujet, aussi informatif que sensible. Le travail avec un metteur en scène extérieur s’est imposé comme une évidence pour une question aussi intime, afin de prendre le recul nécessaire et ne pas rester dans un « entre-moi ».
Au fur et à mesure de mon histoire personnelle avec les TOCs, j’ai réalisé que ce trouble mental était non pas méconnu, mais mal connu. Je me suis rendu compte qu’il y avait des a priori erronés mais aussi une vrai soif de comprendre de la part des gens avec qui j’en discutais. J’ai donc souhaité porter un récit qui permettrait aux autres de comprendre, au moins un peu mieux, les mécanismes, les sensations... avec lesquelles je vis depuis tant d’années. Aussi, je me suis aperçu qu’il y avait dans les TOCs de quoi s’identifier pour les autres, des leçons de vie dans lesquelles beaucoup pouvaient se retrouver : depuis la crise du coronavirus, où j’ai vu apparaître autour de moi des réflexes qui me semblaient propres à l'univers des TOCs, jusqu’au rapport à l’insouciance et au risque, en passant par la peur d’aller voir un psy. C’est donc aussi de ce terrain émotif commun dont j’ai eu envie de parler. Ainsi, mon spectacle cherche autant à provoquer chez le public la découverte de quelque chose d’étranger que sa propre reconnaissance dans un univers qu’il pensait pourtant lointain.
En tant qu’ancien élève de l’Ecole Internationale Jacques Lecoq, il était pour moi nécessaire de laisser une place significative au mouvement dans ce projet, surtout pour un thème où le rapport au corps est essentiel. Des phases de gestes en musique, presque dansées, ont émergé. Elles sont autant pensées comme des respirations que comme l’occasion d’aller chercher ailleurs que dans le texte l’émotion du public, une autre manière de raconter.
Ce spectacle ne se veut pas comme une lamentation. Bien sûr, le sujet est dur et il est difficile de parler simplement avec légèreté d’une lutte de tous les jours, d’un trouble faisant partie de ma vie depuis tant d’années. Pour autant, en tant qu’immense convaincu de la force du rire, cette « politesse du désespoir » comme le veut la phrase célèbre, il était évident pour moi qu’il avait sa place. Dédramatiser, déminer, en abordant ce qui est effectivement drôle dans les TOCs, c’est une autre façon toute aussi forte de les expliquer. Cela n’enlève rien au drame, comme le drame n’enlève rien au comique. En essayant de toucher le public par toute la gamme des émotions, j’espère atteindre la subtilité nécessaire pour raconter cette question complexe.
Amener ce récit sur scène, c’est le challenge de me raconter avec pudeur, c’est le défi d’expliquer artistiquement en informant et en touchant.